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La polycrise, nouvelle théorie économique dans un monde déboussolé, développée par l'économiste Adam Toose




Les économistes capitalistes sont adeptes de l'idée que le marché, soumis à l’échange entre l’offre et la demande, évolue nécessairement vers un équilibre entre les différentes forces en présence. C’est la notion de main invisible du marché qui s’autorégule, selon Adam Smith.


Naturellement, d’autres facteurs interviennent dans cet échange, ce qui nécessite d’affiner cette notion d’équilibre, avec une dynamique où le facteur temps est essentiel.


Mais, comme disent catégoriquement certains économistes : « c’est le marché, crétin ! ». Pour ceux qui chercheraient des raisons ailleurs.


Mais cette recherche d’équilibre n’est ni claire ni harmonieuse, et il faut bien invoquer d’autres raisons.


La dernière en date des réflexions actuelles des économistes s’appelle la polycrise.


C’est l’économiste Adam Tooze, historien de la crise économique de 2008, qui a élaboré cette notion, en invoquant la nécessité de faire face à une complexité importante due à de nombreux facteurs que nous ne maîtrisons pas. Il faut arbitrer entre inflation, croissance, déficit budgétaire, déséquilibre des échanges, etc. Ce n’est pas nouveau. Ce qui l’est c’est l’impossibilité de maîtriser chacun de ces facteurs isolément. Adam Tooze, avec sa notion de polycrise, propose d’élaborer une théorie de la complexité, pour faire face à tous ces facteurs divergents. De la même manière que l’on essaye de comprendre aujourd’hui comment la civilisation hittite a disparu à la fin de l’âge du bronze.


Il s’agit aussi de faire pièce aux théorie monistes simplistes comme le marxisme ou le libéralisme.


Il faut renoncer à comprendre comment et pourquoi une perturbation devient générale lorsqu’elle est causée par de nombreux chocs non reliés entre eux.


Il n’y a pas de vision d’ensemble de la polycrise, mais une tentative d’analyser pragmatiquement comment de multiples crises s’enchaînent pour provoquer une crise générale. Renonçant ainsi à l’explication simpliste que propose le marxisme, à savoir que le système capitaliste est en bout de course et ne peut plus remplir ses fonctions historiques de développement économique, politique, culturel et humain ; car il est incapable de se réformer pour résoudre la ou les crises actuelles.


Le libre jeu de l’offre et de la demande, la croyance que le marché privé saura trouver une réponse adéquate est mise en question. L’affirmation comme quoi trop d’impôt tue l’impôt n’est plus acceptée. C’est pourtant ce que propose encore aujourd’hui le nouveau président argentin Javier Milei, en privatisant à outrance, en sabrant dans les dépenses publiques, en réduisant les impôts, en faisant appel massivement aux investissements étrangers, en dollarisant l’économie. C’est un radicalisme libertarien individualiste et nationaliste.


C’est aussi ce que proposait Liz Truss, qui a été chef du gouvernement britannique du 6 septembre au 25 octobre 2022 :

  • 45 milliards de livres de réduction d’impôts des plus riches

  • Appel massif aux emprunts étrangers

  • Coupes drastiques dans les dépenses de santé publiques

  • Limitation du droit de grève

  • Baisse du salaire des fonctionnaires

  • Accélération de la fracture hydraulique


Cela a provoqué une levée de boucliers, non seulement dans la population, mais aussi dans les marchés financiers. Mais ces mesures radicales ont été acceptées avec enthousiasme par le think tank « Institute of Economic Affairs", qui déclarait que cela allait accroître la prospérité de la Grande Bretagne.


Mais le résultat a été un plongeon de la livre sterling à 1,1 $, la montée du taux d’emprunt d’État à 10 ans à 3,7 %, et surtout un taux d’approbation de la population tombé à 10 %.


De ce fait Liz Truss a dû céder la place à Rishi Sunak après moins de 50 jours de gouvernement, le plus court de l’histoire de la Grande Bretagne.


C’est ce qui risque d’arriver à Javier Milei en Argentine, où une grève générale est annoncée pour le 24 janvier.


Le libertarianisme ne fait pas recette longtemps, même avec Trump ou Bolsonaro.


Emmanuel Macron est tenté par le libertarianisme, mais doit constater que le peuple français y est hostile, comme l’ont prouvé les énormes manifestations contre sa réforme des retraites, qu’il a imposée malgré tout, au prix d’une impopularité record. Il essaye de se raccrocher avec sa réforme des migrants, pour racoler l’électorat d’extrême droite. Il aura du mal, de ce fait, de terminer son mandat de président.Il n’est que de voir les réactions négatives à son discours de nouvel an.


Le délitement du paradigme néo-libéral, où l’État soutient le développement du marché, montre un affaiblissement des gains de productivité, conduisant à une incapacité de créer de la valeur, nécessite d’avoirs recours massivement à la dette.


Et ce, malgré les révolutions numériques et informatiques, qui sont incapables d’inverser le phénomène.


Edgar Morin continue à penser cependant qu’il est possible de construire des solidarités collectives.


La crise de 2008 a conduit à une déstabilisation du système financier mondial avec une fuite en avant dans les recours à des taux d’intérêt élevés des banques centrales (5-5,5 % pour la FED) pour maîtriser l'inflation et à un recours massif à la planche à billets avec le Quantitative Easing (Assouplissement Quantitatif), qui a fait que le bilan de la banque centrale américaine est monté de 800 milliards de $ en 2008, à plus de 8000 milliards de $ aujourd’hui. Les bourses sont au plus haut et le chômage à moins de 4% aux USA.


L’économiste Michael Roberts déclare que nous vivons une longue dépression, la 3ème de l’histoire, après celles de 1873-1897 et 1929-1941.


Friedrich Hayek déclarait, au moment de la crise de 1929 : « Les agents économiques sont incapables de saisir la complexité des situations économiques et sociales ». Alors que Ludwig Von Mieses, en 1949, dans son traité sur l'"Action humaine" développait l'idée d'une conception subjective de la valeur, base de l'école autrichienne. Tous deux considéraient qu'un ordre spontané naturel devait résulter de la confrontation des intérêts des individus dans le marché. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.


Les économistes aujourd’hui ne savent plus à quel saint se vouer, comme le montre la théorie de la polycrise, vision fataliste et non émancipatrice..


Et les politiques, également dans le brouillard, sont tentés, comme un moindre mal, de céder le pouvoir aux fascistes, recommençant les sinistres événements des années 1930. On sait où cela a mené.


Il est nécessaire de s’opposer à ce funeste destin.


 
 
 

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